Un DSK isolé?
- Écrit par Nathalie Brochard
La chute de l'ancien patron du FMI a provoqué un dérapage verbal tant chez les personnalités politiques qui s'exprimaient dans les médias que chez les anonymes des réseaux sociaux. Un excès que fustigent les féministes françaises qui ont manifesté leur colère le week-end dernier lors d'un rassemblement devant Beaubourg à Paris.
Plus de 2000 personnes ont répondu à l'appel d'associations féministes comme La Barbe, Osez le féminisme et Paroles de femmes et se sont retrouvées devant le Centre Georges Pompidou pour réagir aux propos ouvertement sexistes de différentes personnalités au sujet de l'affaire DSK. En tête de liste vient le "troussage de domestique" de Jean-François Kahn talonné de près par Jack Lang avec "il n'y a pas mort d'homme". Au portillon de ce florilège misogyne, se bousculent encore Bernard Henri-Lévy, Robert Badinter et bien d'autres qui sont aujourd'hui dans le collimateur des mouvements féministes. Si chacun réclamait à corps et (surtout) à cris, la présomption d'innocence pour l'ex-patron du FMI, le Collectif national pour les droits des femmes a rappelé dans un communiqué que l'employée du Sofitel "a droit à la présomption de victime", détail que les médias français avaient totalement zappé durant les premières quarante-huit heures de l'affaire.
Parce que la parole est une articulation centrale du sujet. La manière dont la France a reçu l'information nous renseigne sur les représentations de nos voisins. La voix de la victime présumée est ignorée de façon systématique, parce que c'est une femme et parce qu'elle a peut-être subi des violences sexuelles. Sa parole devient dès lors suspecte. A grand renfort de stéréotypes et de réflexes ancestraux, le groupe dominant met en place un système de défense, du bien lourd, du costaud, destiné à légitimer ses privilèges, notamment l'accès aux femmes. Pour Alice Coffin de La Barbe "ces propos sont ancrés dans l'inconscient collectif". Et si la parole raciste a reculé, du moins dans les médias, le discours sexiste bénéficie pour sa part d'une "immunité" selon Caroline de Haas, porte-parole d'Osez le féminisme, sans doute parce que la loi ne punit pas les insultes sexistes. Pour Alice Coffin, "c'est l'occasion de poser des marqueurs et des limites" dans les prises de paroles publiques.
Ce sursaut collectif féministe constitue une opportunité pour favoriser une prise de conscience plus large et une preuve que l'action commune reste nécessaire pour se présenter en tant qu'interlocuteur incontournable dans ce genre de luttes. Cet exemple devrait aussi dynamiser les réseaux féministes en Suisse.