Dépénalisation de la violence conjugale
- Écrit par Christelle Gérand
Il y a un mois, la capitale du Kansas dépénalisait la violence conjugale pour “raisons budgétaires”. Sous la pression des associations féministes, Topeka et le Comté ont fait marche arrière.
«La protection des femmes est tout sauf une priorité et l’économie sert à le justifier», s’indigne Kari Ann Rinker, coordinatrice nationale de NOW (organisation nationale des femmes) au Kansas. Sans sa vigilance, on peut parier que les maris violents continueraient à y battre leur femme en toute impunité. Dan Stanley, le maire de Topeka, capitale du Kansas, avait en effet décidé le 8 septembre de cesser de poursuivre les délits domestiques pour «raisons budgétaires».
Les femmes étaient en fait victimes, en plus de leurs maris, d’un bras de fer entre la ville de Topeka et le comté de Shawnee. Chad Taylor, le procureur de la République du comté, s’est fait sucrer 10% de son budget par l’Etat. Pour compenser cette perte, il a eu une idée ingénieuse : puisque la moitié des cas traités par le tribunal relèvent de la violence conjugale, il décide de les placer sous la responsabilité de la ville de Topeka. Mais la capitale ne l’entend pas de cette oreille. Elle n’a pas assez de personnel, pas assez de places de prison, pas assez d’argent, et surtout elle n’en a pas envie. Pour que «cesse l’ambiguïté» et pour «donner à la ville l’avantage dans les négociations avec le comté», explique le maire, il a dépénalisé la violence conjugale.
Laissez mourir les femmes
Un mois durant, les parties ont maintenu leur décision, laissant les policiers libérer les personnes qu’ils venaient d’arrêter. Trente personnes ont ainsi échappé aux poursuites judiciaires. Un homme violent a même été arrêté puis relâché deux fois durant cette période. Rita Smith, directrice de la Coalition nationale contre la violence domestique s’insurgeait alors dans la presse locale : «Je ne comprends absolument pas» la décision du conseil municipal. «C’est un scandale de jouer avec la sécurité des familles pour savoir qui cédera en premier. Des gens peuvent mourir pendant qu’ils tardent à trouver un arrangement.»
C’est Kari Ann Rinker qui a accéléré les choses. Mobilisant tous ses contacts médiatiques et militants, elle a réussi à ce que cette question locale trouve un écho dans les journaux nationaux. Le maire et le procureur ont été bombardés de mails, et le comté a fini par céder. Elle estime qu’«en ce moment, sur tout le territoire, les femmes sont considérées comme des sous-hommes». Elle cite notamment le projet de loi «Laissez mourir les femmes» (Let the Women Die Act) qui autoriserait les hôpitaux à laisser mourir les femmes enceintes plutôt que les sauver en recourant à l’avortement. Elle poursuit : «Les premières dépenses dans lesquelles on coupe, c’est ce qui concerne les femmes et les enfants. On doit être vraiment vigilants.»
© Photo DR, Kari Ann Rinker, coordinatrice nationale de NOW (organisation nationale des femmes) au Kansas