Abercrombie n'aime pas les femmes
- Écrit par Nathalie Brochard
La célèbre marque de vêtements n'en est pas à son coup d'essai: provoquer, discriminer, mépriser fait partie de sa stratégie marketing et véhicule de fait des valeurs négatives. A écouter son PDG, Mike Jeffries, seule une petite élite serait digne de porter du A&F.
Dans une interview fleuve accordée au journal en ligne Salon, celui-ci expliquait la raison des castings à l'embauche pour les vendeurs-euses et autres floor-managers: "Les gens beaux attirent les gens beaux et nous ne voulons vendre qu'aux gens beaux et cool. Les autres, on n'en veut pas". On peut s'interroger sur sa définition du cool face à une attitude aussi rigide. Il y a quelques jours, le patron récidivait sur Business Insider qui indiquait que la marque ne produirait ni ne vendrait de vêtements pour femmes au-delà de la taille 36. Sachant qu'en 2007 on comptait 2,3 millions de personnes en surpoids en Suisse et que la taille la plus vendue n'est de loin pas le 36, Abercrombie and Fitch ne vendra pas grand-chose en Helvétie… Toutefois Mesdames, vous qui vous nourrissez de temps en temps, vous pouvez tenter votre chance dans les magasins de l'enseigne en allant directement à l'étage homme: les vendeurs beaux et minces vous y redirigent automatiquement. Et là on se pose la question: les hommes ne sont-ils pas soumis à la même mesure restrictive que les femmes? Eh bien non pas du tout, les rayons regorgent de XL, XXL et plus encore. Pourquoi? Mais parce que ces messieurs sont sportifs et donc musclés. Non ce ne peut pas être du gras c'est que du bi-, du tri, du quadriceps et j'en passe!
Résumons: des filles à la taille de guêpe et des gars… comme ils sont. Si on ajoute que la restriction de taille pour les habits féminins ne concerne pas les soutiens-gorge, que la marque continuera de commercialiser en bonnets D, cela donne une image assez claire de la femme selon A&F: un squelette à gros seins, soit une représentation très univoque de 50% de l'humanité. D'ailleurs la presse étasunienne a souvent interrogé Mike Jeffries à ce sujet, arguant du fait que ces campagnes publicitaires avaient un univers homoérotique. Ce à quoi l'intéressé répond "C'est complètement faux! Je pense que ce que nous représentons est sexuellement sain. C'est ludique. Ce n'est pas sombre. Ce n'est pas dégradant". Pour lui, on est plus dans la camaraderie. Certes. Ses ambiguïtés sur ce terrain contrastent avec la franche misogynie qu'il affiche pour le reste de son positionnement.
Et que dire de son refus de donner des invendus à des organisations caritatives, préférant les brûler? Les pauvres, même s'ils entrent dans les critères de taille, ne sont-ils pas assez beaux et cools pour porter A&F?
Au regard de tout ça, Abercrombie est sans doute la marque la moins belle et la moins cool qui soit.