L'exemple allemand
- Écrit par Nathalie Brochard
Peut-on concilier carrière et famille? Sigmar Gabriel, chef du parti social-démocrate allemand, ministre de l'économie et de l'énergie du gouvernement Merkel, mais aussi vice-chancelier, prétend le prouver en annonçant qu'il prend son mercredi après-midi pour s'occuper de sa fille de deux ans. Le choix du numéro deux allemand ne passe pas inaperçu et provoque un débat médiatique. Le cas fera-t-il école chez nos voisins?
"Mon épouse travaille et le mercredi c'est à moi d'aller chercher Marie à la crèche. Et je m'en réjouis". C'est cette phrase tirée d'une interview que Sigmar Gabriel a accordée au Bild qui a déclenché la polémique : un des plus haut responsable allemand déserterait son poste pour se consacrer à l'éducation de sa fille ! Et il le veut bien parce que pour ce faire, il devra prendre l'hélicoptère pour pouvoir récupérer sa petite dernière au jardin d'enfants de Goslar… à 273 kilomètres de Berlin.
Si le Bild ou les journaux féminins comme Brigitte saluent la modernité de ce père exemplaire, Die Welt ou Die Zeit crient à la démagogie et à l'instrumentalisation politique. Cela fait déjà des mois que Sigmar Gabriel prend son mercredi après-midi pour s'occuper de la petite Marie et les éditorialistes allemands s'interrogent sur le bénéfice politique d'une telle annonce. Le Tagesanzeiger de Berlin, lui, y voit une opportunité pour le SPD d'avancer sur la journée complète à l'école et à la crèche, un projet porté par la ministre de la Famille, Manuela Schwesig. Dans cette Allemagne où il est à la fois difficile et mal vu pour une mère de travailler, les structures sont inadaptées. Ce débat sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale cristallise les tensions et le modèle traditionnel tend à être de plus en plus remis en question y compris par les hommes.
Du coup, les politiques qui s'engagent sur cette voie intéressent la presse, c'est sûr. L'exemple de Jörg Asmussen qui a renoncé à son poste prestigieux au sein du directoire de la Banque Centrale Européenne à Francfort pour retrouver sa famille à Berlin et un poste de simple secrétaire d'Etat au ministère du travail avait déjà fait couler beaucoup d'encre. La ministre du travail elle-même, Andrea Nahles avait précisé lors de sa prise de fonction qu'elle ne sacrifierait jamais sa vie de famille. Quant à la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, mère de sept enfants, elle a décidé de travailler en partie depuis chez elle. Alors coup de com' ou brusque élan familial ? Sans doute un peu des deux pour des politicien-ne-s qui jonglent avec des plannings de dingues. Les féministes allemandes espèrent plus prosaïquement que le nouveau gouvernement ouvrira enfin les places de crèche tant attendues.
A ce propos, rappelons que le 9 février prochain, Genève se prononcera sur la loi concernant l'accueil de la petite enfance visant notamment à augmenter le nombre d'enfants par adulte, ce qui aura un effet négatif sur la qualité du service alors même que le manque de place de crèches est toujours criant.
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