Obésité, la faute aux féministes
- Écrit par Nathalie Brochard
Les Etats-Unis, en pleine campagne contre l'obésité lancée sous la houlette des Obama, cherchent encore la cause de ce fléau et les féministes seraient pour partie responsables. C'est du moins ce qu'affirme le journaliste Michael Pollan qui vient de publier son Manifeste pour réhabiliter les vrais aliments. Les intéressées ont vivement réagi et les réseaux sociaux se sont emballés.
La vraie nourriture selon Michael Pollan, ce sont les aliments que "votre grand-mère pourrait reconnaître". Phrase énigmatique s'il en est mais qui, quand on creuse un peu, donne ça : les hommes ne cuisinaient pas puisqu'à l'époque, la cuisine était l'espace féminin par excellence. Pour le journaliste, la qualité de l'alimentation s'est dégradée lorsque les femmes se sont émancipées et sont allées travailler. Il explique "qu'on a confié à l’industrie agroalimentaire le soin de nous nourrir. La fast food s’est quasiment approprié le mouvement féministe. Au point que dans les années 70, une publicité de KFC montrait un seau de poulet frit avec pour slogan : libération de la femme". Un raccourci qui a moyennement plu aux féministes…
Blogs, articles et autres supports sociaux se sont enflammés Outre-Atlantique, rétorquant à l'ignorant que l'agroalimentaire vendait déjà aux femmes dans les années 40 l'idée de moins cuisiner, voire de sortir de leur cuisine, et ce bien avant le féminisme des années 70. Et pour rebondir sur la tentation du retour en cuisine évoqué par Pollan, les féministes lui suggèrent d'y aller seul. Elles dénoncent un mouvement conservateur très actif, abondamment relayé par les médias et appelé New Domesticity. Cette tendance, soi-disant hype, du retour aux sources aux relents de retour à la terre encense les "arts domestiques" tels que faire son pain soi-même, tricoter, élever ses poulets, laver les couches de ses enfants etc etc, tout ce dont nos grands-mères ont voulu s'émanciper.
La critique féministe a en outre pointé l'approche classiste du journaliste : tout le monde ne dispose pas d'un petit pavillon de banlieue avec son potager et pose la question de savoir qui peut se nourrir de produits exclusivement bio. Qui eût cru que les rapports de domination se jouaient aussi dans nos assiettes? Accueilli en Europe avec les honneurs, Michael Pollan est vu comme l'ambassadeur d'une certaine culture culinaire qui domine encore le Vieux Continent. Les journaux d'ici en ont plein la bouche de ce nouveau chantre du bon goût, combattant la malbouffe au nom d'une tradition qu'il ne faut surtout pas bousculer sous peine de voir notre civilisation vaciller. A ne pas consommer.