Ces femmes qui "méritent" d'être violées
- Écrit par Nathalie Brochard
Au Brésil, la publication d'un sondage qui révèle que 65% des personnes interrogées pensent que les femmes habillées de manière provocante "méritent d'être violées" a suscité l'indignation des féministes et de la présidente Dilma Rousseff. Les réseaux sociaux se sont emparés de l'affaire qui en dit long sur une société brésilienne qui considère la victime comme responsable de son agression...
Selon l'étude réalisée par l'Institut d'enquête économique appliquée du gouvernement (IPEA), la majorité des 3810 sondé-e-s estime que l'agression a lieu car la femme n'a pas eu "un comportement correct". 58,5% des personnes interrogées pensent que "si les femmes savaient se comporter de manière décente, il y aurait moins de viols". Par ailleurs, l'IPEA a dressé le profil des femmes violées à partir des 12'000 cas qui ont fait l'objet d'une plainte en 2011 (selon leur estimation, en 2012, il y aurait eu 527'000 viols au Brésil). Dans 50% des cas, elles ont moins de 13 ans et dans 15% des cas, il s'agit de viols collectifs.
Dilma Rousseff a vivement réagi sur son compte Twitter, jugeant que ce sondage démontrait que «la société brésilienne a beaucoup de progrès à faire» et a exhorté «le gouvernement et la société à travailler ensemble contre la violence contre les femmes». La loi Maria da Penha, du nom de cette pharmacienne qui s'est fait tirer dessus par son mari, a permis la mise en place de tribunaux spéciaux et de peines plus strictes pour les auteurs des violences. Une politique de prévention est menée dans les grandes villes. Le problème reste l'application de cette loi.
Durant la campagne électorale de 2010, Dilma Rousseff avait promis de s'attaquer à la violence domestique. Le 1er août 2013, elle avait promulgué une loi légalisant l'accès à la contraception d'urgence pour les femmes victimes de violences sexuelles, sachant qu'au Brésil, une femme est violée toutes les 12 secondes. Ce texte avait été très critiqué par l’Église catholique qui y avait vu un premier pas vers une légalisation de l’avortement, question sensible dans ce pays comptant le plus grand nombre de catholiques au monde (123 millions). D'ailleurs pendant la campagne présidentielle, Dilma Rousseff avait signé une lettre dans laquelle elle s'engageait à ne pas dépénaliser l’avortement, cédant au chantage religieux.
Son indignation face à ce sondage ne lui coûte qu'un tweet. Les féministes, elles, ont organisé la riposte sous la houlette de la journaliste Nana Queiroz qui a appelé les femmes à publier sur Facebook des photos d’elles-mêmes dénudées avec ce slogan «Je ne mérite pas d’être violée» (#EuNãoMereçoSerEstuprada). 30'000 femmes ont posté leurs photos. Pour Nana Queiroz, «le plus surprenant est qu’il est permis de se dévêtir pendant le carnaval mais pas dans la vie réelle», soulignant le paradoxe brésilien, pays où le culte du corps butte conte le catholicisme traditionnel.
Photo Nana Queiroz