Une femme décroche la médaille Fields
- Écrit par Nathalie Brochard
C'est une première mondiale : l'Iranienne Maryam Mirzakhani s'est vue attribuer cette prestigieuse récompense qui couronne tous les quatre ans les travaux des meilleur-e-s mathématicien-ne-s. Depuis sa création en 1936, aucune femme ne l'avait reçue. Oubli ou parti pris?
La lauréate, qui est passée par Harvard avant de devenir professeure à Stanford, n’arrive pas de nulle part. Elle est d’abord le fruit du système éducatif iranien particulièrement élitiste. Elève au lycée Farzanegan de Téhéran, véritable vivier pour enfants (sur)doués, bénéficiant de programmes très poussés, elle intègre sur concours l'université Sharif de Téhéran.
En Iran, après la Révolution de 1979, la non-mixité de l'école primaire au lycée a facilité l'accès à l'éducation des filles issues des milieux aisés et conservateurs. L’enseignement secondaire a été libéralisé à l’outrance, les établissements publics proposant de fait un niveau faible par rapport aux écoles privées qui se livrent une concurrence sans merci, rendant ainsi le système éducatif élitiste à l'extrême. Les diplômé-e-s iranien-ne-s sont alors systématiquement recruté-e-s par les pays occidentaux.
La réussite de Maryam Mirzakhani n'est donc pas une surprise. Ses travaux sur la géométrie hyperbolique et la topologie méritent la reconnaissance de la communauté scientifique internationale, et au-delà. Mais combien de femmes avant elle ont fait progresser la recherche mathématique sans recevoir la moindre médaile ni même sans que leur nom soit mentionné ? Qui se souvient de Rozsa Peter, pionnière de la théorie de la récursivité, dont on retient la fonction Ackermann (du nom d'un étudiant qui travaillait aussi sur le sujet… cherchez l'erreur) ? Et de Julia Robinson ? Ses avancées sur la décidabilité en statistiques permirent à Youri Matiiassevitch de rafler la mise… On pourrait multiplier les exemples à l'envi. Et c'est bien cette reconnaissance tardive (au XXIe siècle !) d'une femme mathématicienne qu'il faut relever.
Depuis des siècles, elles se sont fait doubler par leurs collègues masculins, non par manque de compétence ou en raison d'un quelconque déterminisme biologique, mais bien à cause de rapports de domination solidement verrouillés visant à préserver les bastions masculins dans les domaines de la science. Il est temps que ça change et que les femmes scientifiques prennent la place qui leur revient. Avec les honneurs.
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