Le zoo humain d'Exhibit B
- Écrit par Hellen Williams
“Exhibit B”, l’installation du Sud-Africain blanc Brett Bailey qui recrée avec des acteurs-trices noir-e-s un zoo humain tels qu’ils étaient en vogue à la fin du XIXème siècle enflamme la toile, après avoir provoqué de violentes controverses à Londres, où le Barbican a annulé sa présentation au dernier moment, et à Paris, qui la reçoit actuellement.
Les détracteurs de l’installation, à l'instar d'Yvette Gresslé, dans un article paru sur le site www.3ammagazine.com, en dénoncent le racisme, le sexiste et le classisme. Le journaliste Hugh Muir, du Guardian, regrette quant à lui, une oeuvre destinée principalement à un public blanc, que Bailey choque via la déshumanisation totale de ses acteurs.
Pour S.O.S racisme en revanche, ou pour Stella Odunlami une actrice recrutée pour figurer dans Exhibit B à Londres, l’installation offre une possibilité de récupérer la mémoire historique d’un peuple opprimé. L’auteur et les institutions culturelles en appellent, de leur côté, à la liberté d’expression.
Or la liberté (d’expression) de Bailey face à l’esclavage pose question, du fait de son refus à reconnaître qu’il parle depuis les positions dominantes de mâle, blanc, et de metteur en scène, avec les rapports de pouvoir qu’elles impliquent. Dans la documentation envoyée aux acteurs désirant passer le casting, il apparaît clairement que Bailey se place en spectateur- voyeur d’une Afrique qu’il résume à des stéréotypes intolérablement réducteurs. Gresslé l’affirme : l’installation de Bailey récupère sans la dénoncer la représentation historique des corps des femmes noires, en les exposant nues, enchaînées et soumises au « regard blanc » d’une société occidentale qui ne peut concevoir le monde qu’à travers sa propre supériorité.
On peut se demander pourquoi les institutions culturelles occidentales continuent à privilégier les représentations négatives des personnes qui ne correspondent pas à la norme dominante blanche, mâle, et hétérosexuelle? Ne contribuent-elles pas ainsi à perpétuer dans l’inconscient collectif l’équation « hors-norme=victime=assisté » comme pour les maintenir dans un état d’infériorité et de dépendance ?
Cette question est d’ailleurs au cœur d’une autre polémique, soulevée cette fois par le projet Band Aid 30 de Bod Geldof destinée à récolter des fonds pour lutter contre l’Ebola, que certain-e-s des artistes sollicités (dont Damon Albarn, Lily Allen, Fuse ODG…) ont refusée en raison de l’image inexacte et misérabiliste de l’Afrique véhiculée par la chanson.
L’Afrique est un continent pillé depuis des décennies par un Occident qui lui doit beaucoup, il serait temps que nous apprenions à en re/connaître l’histoire et les talents dans un respect plein d’enthousiasme. Et si plutôt qu’un Bailey’s imbuvable, vous sirotiez un Tracey Rose bien frappé… un double Sokari Douglas Camp ou un Mary Sibande grand vintage… du Boyzie Cekwana secoué et remué…
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