Les excuses du bon Dr Dre
- Écrit par Nathalie Brochard
Mieux vaut tard que jamais : le célèbre rappeur Dr Dre présente ses excuses aux femmes qu’il a frappées dans les années 90. C’est dans le très sérieux New York Times qu’il s’exprime sur un sujet qu’il a toujours refusé d’aborder. Alors contrition sincère ou coïncidence opportune ? La star est en promo mondiale pour son dernier album et un biopic…
Condamné pour ces faits de violence récurrents voici plus de vingt ans, Dr Dre ne répondait jamais aux questions des journalistes qui s’y rapportaient. Le week-end dernier, alors que personne ne lui demandait rien, le quotidien new-yorkais titre en une «Je m’excuse auprès des femmes que j’ai blessées». Bien sûr, ces remords tombent un peu comme des cheveux sur la soupe après tant d’années et ça sent le plan de communication à plein nez, mais bon, il y va : «Il y a vingt-cinq ans, j’étais un jeune homme, je buvais trop, beaucoup trop, et je n’avais pas de réelles structures dans ma vie. Même si ce n’est pas une excuse pour ce que j’ai fait. Je suis marié depuis dix-neuf ans maintenant et chaque jour, je travaille à être un homme meilleur pour ma famille, cherchant, au fil de ma route, à demander conseil autour de moi. Je fais tout mon possible pour ne plus jamais ressembler à cet homme. Je m’excuse auprès des femmes que j’ai blessées. Je regrette profondément ce que j’ai fait et je sais que cela a eu des conséquences sur nos vies».
Sur ces bonnes paroles, Apple, la cool compagnie auprès de laquelle émarge le bon Dr Dre en tant que top consultant après avoir vendu sa marque de casques et d’écouteurs «Beats by Dre» pour la modique somme de 2,2 milliards d’euros en 2014 s’est fendu d’un communiqué pour bien enfoncer le clou au cas où : «Dr Dre s’est excusé pour les erreurs qu’il a faites par le passé, et il a dit ne plus être la personne qu’il était il y a vingt-cinq ans. Nous le croyons sincère, et après avoir travaillé avec lui depuis un an et demi, nous avons toutes les raisons de croire qu’il a changé». On a envie de dire Alleluya !
Il faut dire que l’été est chargé pour le rappeur. Son album Compton est sorti le 7 août (et se vend très bien sur Apple Music et iTunes, merci) et son film sur sa vie, son œuvre, Straight Outta Compton est en salle aux Etats-Unis depuis le 14 août (et cartonne aussi avec des recettes de plus de 100 millions de dollars). Du coup, il s’agit de continuer sur cette juteuse lancée. Or à tant médiatiser les choses et à rappeler le bon vieux temps, des femmes qui en ont fait partie dans les années 90 ont remis les pendules à l’heure : l’histoire ne se serait pas tout à fait passée comme le décrit le film ou plutôt, du point de vue des victimes, le réalisateur de Straight Outta Compton, Felix Gary Gray, aurait pris soin de laisser de côté les agressions commises par le rappeur et ses démêlés avec la justice. La journaliste Dee Barnes, la chanteuse de R&B et ancienne compagne de Dr Dre avec qui elle a eu un enfant Michel’le et Tairrie B, chanteuse elle aussi, se sont retrouvées sur Facebook pour discuter de leur «rencontre» avec le rappeur. La première a eu la tête fracassée contre un mur, la seconde a été battue de manière régulière et la troisième frappée à la tête…
Ces faits relatés notamment par le bloggeur Byron Crawford, intitulé Beatings by Dre, clin d’œil à ses fameux écouteurs, ont recommencé à circuler sur les réseaux sociaux peu avant la sortie du film tandis que le journal en ligne Gawker post publiait Remember When Dr. Dre Bashed a Female Journalist’s Face Against a Wall? (Rappelez-vous quand Dr Dre a frappé la tête d’une journaliste contre un mur, ndlr). Quand, à une avant-première du film, le réalisateur est interrogé sur l’absence de toute mention de ces agressions, il explique que les scènes prévues dans le script d’origine ont été supprimées du scénario définitif car elles ne servaient pas l’histoire. Ah non ? Mardi dernier Dee Barnes a écrit dans le Gawker sa version des faits, vues deux millions de fois. Selon elle, «le film n’est pas la réalité et il n’a rien de gangsta*», elle poursuit en disant que «si c’était gansgsta, il aurait tout montré». Elle conclut : «C’est juste du business»
* Le gangsta rap est un sous-genre du hip-hop qui a émergé à la fin des années 1980. Les premiers rappeurs gangsta sont issus de gangs et racontent leur vie dans la violence. Certains thèmes sont récurrents comme notamment la drogue, la haine de la police, le proxénétisme, l'argent, l'homophobie, et la misogynie. Le mouvement est né à Compton (Californie) à travers le groupe N.W.A, dont le film de Gray retrace l’histoire.