Salope!, l'expo
- Écrit par Nathalie Brochard
L’Université Libre de Belgique vient de proposer une exposition consacrée au mot « Salope ! ». Chargé de sens divers, il recouvre une histoire des pratiques sociales, culturelles et des représentations, des fantasmes centrés autour de la violence verbale sexiste. De Marie-Antoinette à Christiane Taubira, huit femmes qui ont cristallisé cette violence ont été ainsi choisies par les artistes pour traduire un sexisme enraciné et dévastateur. Le Cercle féministe de l’ULB nous a servi de guide.
À travers le mot salope, l’exposition retrace une certaine vision de l’histoire des femmes et des représentations qui leur sont traditionnellement attachées, de la maman à la putain, de l’amazone à la Femen, de Gervaise à Nabila, de Marie-Antoinette à Margaret Thatcher. Au cœur de ce projet, il y a l’idée de questionner les stéréotypes liés au sexe, à la classe et à la race préalables à la formation des insultes mais également de comprendre comment une parole violente, agressive circule et est distribuée ou détournée dans une société. Pour Charlotte Casier, présidente du Cercle féministe de l’ULB, la démarche a le mérite « de mettre en lumière une forme de violence (verbale) sur les femmes dont peu de personne saisissent l'ampleur et ainsi sensibiliser les visiteurs-euses sur le sexisme ambiant ».
L’insulte comme baromètre des normes acceptables en vigueur dans une société est ainsi expliquée au public : d’un point de vue scientifique (sous la forme d’installations reprenant des listes d’insultes et de panneaux historiques sur certains évènements marquants liés à l’histoire des femmes et de leurs prises de paroles publiques) ; selon une approche éducative avec un parcours pour comprendre les mécanismes psychiques et sociaux qui président à l’insulte ; et enfin du point de vue d’artistes et plasticiennes interrogeront en miroir, en transgression, en réponse les questions de la violence, du féminin et des tabous. Klara Berteaux, du Cercle féministe de l’ULB a apprécié le travail de ces « artistes qui interrogeaient la féminité, surtout (au travers) de mises en scène d'homme dans des postures stéréotypées féminines » qui selon elle « a apparemment beaucoup choqué des étudiants de secondaire ». Quant au choix de Nabila, Klara Berteaux le trouve courageux.
Autre initiative marquante de l’expo, « ce mur sur lequel on pouvait inscrire les insultes qu'on a déjà reçues était très intéressant », comme le souligne encore Klara Berteaux qui estime « qu'il permettait un petit défoulement et de se décharger de quelque chose de pas si léger que ça en fait ». Une autre installation a retenu son attention, le lit en plumes de céramique blanche qui selon son avis « apportait beaucoup de profondeur car le lit c’est l'intime, les relations, les chagrins, avant on accouchait dans son lit, là où on rêve et cauchemarde… et puis la robe faite de cheveux était terrible aussi : finalement les cheveux d'une femme font partie de sa féminité, la robe aussi, alors fusionner les deux, selon moi c'est du génie ».
Les femmes peuvent-elles se réapproprier l’insulte ? Peuvent-elles la détourner ? Pour Charlotte Casier, « ce n’était pas vraiment l'objectif de l'exposition, il s'agissait plutôt de déconstruire ces propos. Après, ça n'empêche pas que l'expo peut amener certaines femmes à revendiquer cette insulte par la suite ». Installer ce type d’exposition au cœur d’un campus est stratégique car il permet de viser un public encore jeune aux ravages de la violence des discours sexistes. Il ne reste qu’à souhaiter que ce genre d’initiative se dissémine un peu partout.