La rue est à nous!
Alors que les activistes d’Osez le féminisme viennent de rebaptiser les rues de l’Ile de la Cité à Paris avec des noms de femmes, dans le but de dénoncer la place infime (2%) qui leur est réservée sur les plaques, qu’en est-il en Suisse romande ?
Selon les activistes françaises, «effacer les femmes de l'Histoire, en leur rendant hommage dans 2% de nos rues seulement, c'est perpétuer un certain nombre de stéréotypes patriarcaux, c'est les cantonner à l'espace domestique, et nier leur importance dans la vie publique et l'histoire du pays». Du coup sur le site qu’elles viennent de lancer pour l’occasion feminicite.fr, elles revendiquent une toponymie des rues de Paris égalitaire avec autant de noms de femmes que d'hommes sur les plaques d'ici 2019, l'attribution d'un nom de femme à une grande place ou un grand bâtiment public et l'attribution systématique d'un nom de femme à tous les nouveaux établissements publics de la ville.
A Genève, à l’époque où Fabienne Bugnon dirigeait le SPPE (Service Pour la Promotion de l’Egalité entre homme et femme), paraissait sous son impulsion un petit fascicule qui soulevait déjà cette problématique. Ainsi en 2005, on recensait 20 rues dont le nom faisait référence à une femme sur un total de 560 portant le nom de personnalités ou de familles. Dix ans plus tard, ce chiffre atteint péniblement les 30. Ce n’est pas faute d’avoir multiplié les signaux en direction des autorités compétentes.
Cette année par exemple, lors de la campagne pour les élections municipales, le parti socialiste genevois avait déjà lancé une opération de féminisation des noms de rue pour sensbiliser les électeurs-trices à une meilleure représentation des femmes en politique. Le boulevard Emile-Jacques-Dalcroze était alors devenu la rue Wigman, la rue Firmin-Massot s’appelait rue Boisdechêne et la rue Rodolphe-Toeppfer, la rue Moulinié.
A Lausanne, en 2011, le Collectif vaudois du 14 juin avait mené une action Noms de rues. Ainsi, l’avenue Benjamin-Constant avait pour quelques heures porté le nom de Carole Roussopoulos, la Place Pépinet s’était transformée en «Place Emilie Gourd», la rue Pichard avait honoré Margarethe Faas-Hardegger, la rue Haldimand s’était appelée rue Antoinette Quinche, la rue Saint-Laurent avait été dédiée «aux Caissières», quant à la place de l’Europe, elle était devenue «Place Ella Maillart».
Ce type d’action est donc récurrente. «Une ville défend, par ses plaques de rue, un certain nombre de valeurs qu'elle souhaite véhiculer» comme l’explique Osez le féminisme. Si des villes/cantons comme Lausanne et Genève se targuent d’égalité, qu’attendent-elles pour l’exprimer à travers ses symboles et ses représentations ?
Photo © Osez le féminisme!
- Écrit par Nathalie Brochard