L'INTERVIEW
chronique féminista-voyageuse
Etat social?
23-08-2013 C.M.
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- Écrit par C.M.
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Ici comme chez moi, les rôles semblent assez clairement définis.
Après des semaines à pédaler dans les plaines principalement peuplées de vaches et d'oiseaux, je réalise que nous avons croisé des dizaines de "gauchos", ces cow-boys de l'Uruguay, montant leurs chevaux à cru (ou avec une couverture et une peau de mouton jetée sur le dos de leur monture pour les plus douillets)... mais seulement une femme faisant de même.
Après des jours à remonter la côte de l'Atlantique sud et à contempler ses plages balayées par le vent, je réalise que je n'ai vu aucune femme surfer dans les rouleaux: elles attendent toutes leurs hommes sur la plage.
Ici comme chez moi, je vois que les routiers sont des hommes, et les femmes de ménage des femmes et ainsi de suite.
Et tous les jours, j'apprécie ces types qui nous interpellent si spontanément sur la route, pour nous demander d'où nous venons, pour s'émerveiller que "deux femmes seules" fassent ce voyage à vélo et pour nous lancer des "Suerte!" chaleureux. Mais je reconnais dans ces regards de femmes qui se détournent et dans leurs pas qui nous fuient, l'apprentissage que j'ai fait moi-même: on évite les inconnus quand on est une femme, il s'agit d'être accueillante dans sa propre maison, mais craintive partout ailleurs, puisque notre condition reste d'être faible et cible de maints dangers.
Ah! Lueur d'espoir: ces femmes sur les berges de l'Uruguay, non loin de la ville de Paysandú, qui vont à la pêche tout comme leurs hommes... mais ce sont elles qui plient et déplient la tente, qui préparent le maté, vident les poissons et font le repas (à part les grillades, une affaire d´hommes), s'occupent des enfants... pendant qu'il tiennent les cannes et tirent sur leur bombilla. Ici comme chez moi.
Ici comme chez moi, la tristesse et la rage de voir cette histoire se répéter. Ici comme chez moi, la fatigue de voir des militants se moquer de mon féminisme supposé. Ici comme chez moi, le plaisir de voir Marita, grand-mère de soixante-dix ans, s'enthousiasmer de mon féminisme bien compris.