Jouets, des raisons d'espérer?
- Écrit par Nathalie Brochard
Après la poupée qui rit, celle qui parle, celle qui marche et celle qu'on allaite, une marque américaine propose aux filles des jeux intelligents destinés à stimuler leur créativité et leur ingéniosité. Grandir hors du cadre tout tracé qui prépare la petite fille à son futur rôle de mère ne serait donc pas une fatalité?
Si la Suède a ouvert des brèches en proposant des jouets non genrés aux enfants ou en évitant le merchandising sexué dans les rayons des magasins, a-t-elle fait des émules ? Au Royaume-Uni, le department store Harrods a supprimé les catégories filles et garçons pour les remplacer par un rangement thématique, neutre. Le marketing par affinité serait-il en train de supplanter le genre marketing ? En France, depuis plusieurs années maintenant, les magasins Super U mettent en scène dans leur catalogue de jouets des filles jouant aux petites voitures et des garçons s'occupant de leur poupée, ce qui vaut à l'enseigne de s'exposer aux foudres des extrémistes de la Manif pour tous, outrés de telles transgressions de genre. En Suisse, qu'on se rassure, le catalogue Franz Carl Weber ne prend aucun risque en la matière : on se limite à de simples pack-shots produits et quelques rares mises en scène. C'est aussi moins cher pour la marque. Et lorsque des petites filles et des petits garçons apparaissent, ils correspondent au genre attendu.
Aux Etats-Unis, GoldieBlox, une marque de jouets dirigée par Debbie Sterling, une ingénieure diplômée de Standford, fabrique des jeux intelligents pour filles. Selon elle, une des raisons de la sous-représentation des filles dans les métiers scientifiques s'expliquerait par les jouets qui leur sont proposés. «Lors des 100 dernières années, les jouets ont poussé nos garçons à devenir des intellectuels, des constructeurs, des inventeurs», dit-elle. Elle a voulu y remédier en lançant GoldieBlox. La vidéo de promotion qui vante les mérites de ces jouets d'un nouveau genre a été vue plus de 8 millions de fois sur You Tube. Elle montre trois filles qui s'ennuient désespérément en regardant à la télé des princesses toutes de rose vêtues se dandiner. Les trois amies décident de réagir: casque de chantier, lunettes de protection et musique ! Elles créent ! Et ça marche ! Sur l'air de Girls des Beastie Boys, pas spécialement féministe à la base mais bon (d'ailleurs, la vidéo a dû être retirée à la demande du groupe), elles affirment vouloir se servir de leur neurones et jurent qu'elles ne sont pas que des princesses. Elles veulent construire des vaisseaux spatiaux, coder des applis et bien plus encore. De quoi redonner des lueurs d'espoir pour l'avenir de l'humanité. Seul petit bémol, l'univers de la marque reste malgré tout guimauve et c'est dommage de ne pas assumer jusqu'au bout le parti pris. La marque a-t-elle peur pour son image ? Va-t-on l'accuser de produire des "garçons manqués" voire de probables lesbiennes ? Du coup, un vernis supposé rassurer les parents recouvre le concept de départ : les codes couleurs sont dominés par un rose dont on peine à sortir. Encore un petit effort et on va y arriver !
Image tirée de la vidéo