Combien vaut votre femme?
- Écrit par Nathalie Brochard
Ce que révèle le piratage par Impact Team du site de rencontres adultères Ashley Madison va bien au-delà de la publication des noms des utilisateurs-trices : tandis qu’il met à nu des pratiques plus que douteuses, dans le même temps, il dévoile les bases du fonctionnement d’une entreprise qui s’appuie sur les pires stéréotypes de genre et dont les projets laissent sans voix.
Après la publication le 19 août dernier de la base de données du site Ashley Madison, les journalistes de Gizmodo ont mené l’enquête en s’intéressant de plus près aux profils des 38 millions d’abonné-e-s que revendique la plateforme de rencontre. Ainsi officiellement, il y aurait environ 5,5 millions de femmes pour 32,5 millions d’hommes qui s’y retrouveraient. Or, selon les recherches de Gizmodo, 11 millions d’hommes chatent avec 2'400 femmes. Quant à la messagerie, 20 millions d’hommes l’utilisent contre 1'500 femmes. La disproportion est énorme.
En cause, les faux profils féminins créés par la société. Que ce soit automatiquement par le biais de robots ou manuellement par les employé-e-s, Gizmodo a déjà dénombré une dizaine de faux profils de femmes. Les journalistes ont en effet trouvé des milliers d’adresses mail de type (un chiffre)@ashleymadison.com générées par un robot. Par ailleurs, d’anciennes employé-e-s de la firme avaient déclaré voici quelques temps que leur job consistait à créer un millier de faux profils tous les trois mois.
Et des profils féminins, il en fallait pour attirer les hommes, les vrais sur le site. Car à n’en pas douter sous ses dehors girly ou female friendly, selon la rhétorique de la firme, le site s’adressait essentiellement aux hommes. Les publicités ne laissent planer aucun doute quant au public cible. Quelle femme, a fortiori mariée, voudrait utiliser un service qui la représente comme une mégère ? Le discours publicitaire est très clair : l’idée est que les hommes puissent tromper bobonne sans se donner trop de mal.
Sauf qu’en réalité, «des millions d’hommes envoient des mails, discutent et dépensent de l’argent pour des femmes qui ne sont pas là» comme le suggère l’enquête de Gizmodo. Car question finances, l’entreprise fonctionne bien. D’après CNN, elle aurait engrangé de 115, 5 millions de dollars en 2014. Sur ce réseau pas très social, où les hommes ne peuvent pas échanger entre eux, où les femmes n’existent pas et où la seule transaction réelle est celle qui débite les cartes de crédit, flotte comme une drôle d’atmosphère, un air de frustration peut-être ? De déception sûrement pour tous ces maris qui y ont cru. Alors sans faire dans le «tel est pris qui croyait prendre», on peut supposer qu’on ne les y reprendra plus.
Le meilleur reste pourtant à venir: La prochaine trouvaille estampillée Ashley Madison, une application appelée "What's Your Wife Worth" (Combien vaut votre femme, ndlr) qui permet aux utilisateurs de poster une photo de leurs femmes et de les faire évaluer sur une échelle de 1 à 10. Ces dernières seront associées à une somme d'argent en fonction de leur note obtenue. L’idée est encore dans les cartons mais soyons sur-e-s qu'elle verra prochainement le jour. Vous trouvez que ça dégénère? C'est pas faux.
Photo, une publicité pour le site Ashley Madison "Votre femme vous a fait peur hier soir?"