Avortement: Paroles d'ados
- Écrit par Caroline Dayer
Avortement et jeunes filles enceintes : Parcours de combattantes
Que faire face à pareille situation ? Quelle décision prendre ? Vers qui se tourner ? Quatre filles âgées de 16 à 19 ans au moment des faits livrent certains aspects d’une expérience difficile.
Valentine*, Anaïs* et Camille* ne regrettent rien, bien au contraire. Lorsqu’elles avaient entre 16 ans et 19 ans, elles ont décidé d’interrompre leur grossesse.
Au moment où Anaïs se rend à la maternité pour faire un contrôle en raison de douleurs dans le bas-ventre, elle connaît déjà le résultat et elle sait qu’elle «ne le gardera pas». Elle parle rapidement à ses parents. Ils sont d’accord avec elle, craignant que la décision d’avoir un enfant aussi jeune ne plombe sa vie et ne désirant pas s’en occuper eux-mêmes. A l’hôpital, Anaïs se souvient encore de l’infirmière qui lui dit, en voyant ses habits sur une chaise, qu’il y a un casier et qu’on n’est pas à l’hôtel.
Quant à Camille, elle n’en a jamais parlé à ses parents. Elle se rappelle avoir fait le test, seule et tremblante, et la panique en voyant que le résultat était positif alors qu’elle avait eu des rapports sexuels protégés. Ni elle ni son copain ne voulait garder l’enfant. Après moultes démarches et pressions, elle a fini par avoir l’adresse d’un gynécologue exerçant dans une clinique privée. Plusieurs femmes étaient présentes pour la même intervention qu’elle a payé 1000 francs cash. Camille pense que son avortement n’a pas été déclaré.
Lorsque Valentine ressent les premiers symptômes, elle parle à sa mère de l’éventualité qu’elle soit enceinte. Avec le recul, Valentine comprend que sa mère était à ce moment-là dans un déni total. C’est sa tante qui lui fait faire un test, qui se révèle positif : le choc. Il est évident pour elle qu’elle ne veut ni ne peut élever un enfant.
A l’hôpital, elle apprend que des examens plus poussés sont nécessaires car la grossesse date de plus d’un mois ; elle remonte en fait à quatre mois et demi, et la loi interdit l’avortement, sauf en cas de problèmes majeurs. Valentine ne s’y attendait pas du tout, d’autant plus qu’elle avait eu un rendez-vous prévu depuis longtemps chez sa gynécologue suite au rapport sexuel en question - elle apprendra par la suite qu’il était encore trop tôt pour détecter quelque chose.
La suite a été vécue par Valentine comme un film d’horreur sans fin. Plusieurs rendez-vous se succèdent à l’hôpital où elle s’entend dire qu’on la recevra dans deux heures ou qu’il faudra revenir dans quelques jours, alors que pendant ce temps, la grossesse se poursuit. Elle rencontre chaque fois des personnes différentes qui n’ont pas connaissance de son dossier et aucune d’entre elles ne prend en compte le fait qu’elle ne veut pas garder cet enfant. Au contraire, les discours tentent de la convaincre qu’elle est capable d’avoir un enfant, que cela ne changera rien dans sa vie, qu’elle ne pourra plus avoir d’enfant si elle avorte - et le psychologue de lui demander comment elle imagine sa vie avec un enfant. On essaie de la prendre par les sentiments mais quand elle fond en larmes, c’est d’épuisement face à des personnes agressives.
Pour Valentine, cette technique aurait peut-être marché à l’usure. Ses projets professionnels et l’impossibilité de subvenir financièrement aux besoins d’un enfant lui ont permis de résister et de suivre la voie qu’elle estimait la meilleure. Elle souligne la nécessité de ne pas se décourager, ni se laisser influencer.
On a décidé pour elle qu’elle était capable d’élever un enfant et on lui a expliqué que si elle voulait avorter, la démarche entrait dans le champ juridique.
Au planning familial, on lui explique qu’il y a des options. Soit faire l’intervention en Espagne, soit dans un hôpital en Suisse romande. Valentine opte pour une intervention effectuée par une infirmière en Suisse romande, accompagnée par sa mère. Elle relève elle aussi que son avortement n’est certainement pas inscrit dans les chiffres officiels.
Laure*, enceinte à 16 ans, ne regrette rien non plus. Elle décide de garder son enfant. Tout de suite, elle comprend ce qui lui arrive lorsqu’elle n’a plus ses règles et elle est contente. Elle a très envie d’avoir des enfants, tout en imaginant qu’elle les aurait plus tard. Comme pour les autres personnes, cette grossesse est imprévue, d’autant plus qu’elle avait des rapports sexuels protégés.
Elle parle d’abord avec une amie puis se rend au planning familial. Elle trouve qu’elle a bien été informée des ressources à disposition. Ses parents estiment pour leur part qu’il est préférable qu’elle avorte car elle est trop jeune, qu’elle a des études à faire, qu’elle n’a pas d’argent ni de logement, et ne veulent pas en avoir la responsabilité.
Laure n’a cependant pas l’impression d’avoir loupé quelque chose et parle plutôt du jugement négatif porté sur les jeunes mères. Elle a l’impression qu’elle doit davantage assurer. L’arrivée de l’enfant a permis une nouvelle reconfiguration familiale et les parents de Laure prennent en charge leur fille et leur petite-fille.
Le message de Valentine, Anaïs, Patricia et Laure est finalement le même : il est essentiel de suivre ce qu’on ressent et c’est à la personne de décider de ce qu’elle veut.
*Prénoms fictifs