Miss Suisse a les cheveux courts
- Écrit par Nathalie Brochard
OMG*! ça, c'est de l'information. Pourtant, c'est celle fournie par les agences et relayée par la presse hétérosexiste. Dominique Rinderknecht, une Zurichoise de 23 ans, l'heureuse élue, va donc porter sur sa coiffure garçonne la couronne de "reine de beauté". Dans cette foire aux belles, les médias auront relevé l'anormalité du choix. Comme il est précisé dans la dépêche, "pour la première fois de l'histoire du concours, c'est une tête aux cheveux courts qui l'a emportée". Que doit-on en conclure? Que les femmes ont enfin le droit de faire ce qu'elles veulent avec leurs cheveux? Que les coiffeurs zurichois ont découvert un outil qu'on nomme "ciseaux"? Ou alors que le concours de miss vire au freak-show? Que les concurrentes ne sont pas de vraies femmes puisqu'elles pourraient potentiellement avoir les cheveux courts? Doit-on instaurer des tests ADN comme en athlétisme?
Et si la taille des cheveux est à l'origine de normes, religieuses ou sociales, qui diffèrent selon les cultures, les époques et les sexes, il n'en reste pas moins que de le noter comme l'a fait l'ATS dans le cas de Dominique Rinderknecht, suggère la transgression de genre et pas nécessairement l'émancipation. La sexualisation des cheveux longs s'est renforcée avec l'arrivée massive de la pornographie dans les foyers : rares en effet sont les actrices porno qui tournent avec des cheveux courts.
Pour Frigga Haug, professeure de sociologie à l'Université de Hambourg et auteure du livre Female sexualization, cela s'explique par le fait que «les cheveux ont d'une certaine manière toujours été associés à la sexualité; des allusions et des suppositions sont faites quant à des qualités cachées que les cheveux des femmes révèleraient. Les cheveux peuvent être provocateurs, ils sont perçus comme transmettant une information». En l'occurrence, l'information est la disponibilité sexuelle. Dans cette logique, il n'est guère surprenant que le lien sexy-cheveux longs prévale dans les concours de beauté. Et que face à une miss à coupe courte, les fins observateurs y perdent leur latin et rédigent une dépêche pour l'annoncer à la terre entière.
*Oh my God
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