Le Conseil d'Etat face à la prostitution
- Écrit par Nathalie Brochard
Les riverains des beaux quartiers de Genève sont soulagés : les prostitué-e-s vont devoir débarrasser le plancher et vendre leurs charmes dans des rues moins chics de la ville. Le règlement d'exécution de la loi sur la prostitution a été modifié par le Conseil d'Etat et entre en vigueur aujourd'hui. Le racolage aux abords du boulevard Helvétique y est désormais interdit. Une cartographie réglementariste est à l'oeuvre pour contenir les travailleurs-euses du sexe à des périmètres bien précis.
Lors de son dernier point presse, le Conseil d'Etat a dévoilé le nouveau règlement relatif à la prostitution. Il y est dit qu'"en visant expressément la notion de quartiers ayant un caractère prépondérant d'habitation, le règlement ainsi modifié permettra à la brigade des mœurs de lutter plus efficacement contre le racolage, conformément à l'article 199 du code pénal, d'exercer une meilleure surveillance des personnes exerçant la prostitution dans le quartier du boulevard Helvétique et, enfin, de rétablir la tranquillité publique des habitants". C'est en effet, suite à des plaintes répétées des habitant-e-s du quartier chic des Tranchées que l'exécutif genevois a fini par prendre des mesures.
Voici encore cinq ans, les travailleurs-euses du sexe restaient plutôt cantonné-e-s au boulevard Helvétique. Puis au fil du temps, ie square de la rue François-Le-Fort a été investi de jour comme de nuit et l'activité s'est étendue finalement jusqu'au boulevard des Tranchées. L'offre et la demande se rencontraient allègrement dans ces rues plutôt calmes. Sauf que tous les habitant-e-s de ces quartiers huppés ne voyaient pas ce commerce d'un si bon oeil. Depuis des années, les riverains cherchaient à faire modifier la loi qui encadre la prostitution à Genève, à coup d'arguments fallacieux et d'amalgames douteux en liant notamment toxicomanie à travail sexuel. Des associations comme Aspasie sont toujours montées au front pour contrer ces attaques stigmatisantes.
Certain-e-s oublient néanmoins que la prostitution est légale à Genève. Et beaucoup regardent avec intérêt l'expérience des sex boxes de Zurich. Interdire le racolage dans certains quartiers n'éradique pour autant pas la prostitution, comme l'espèrent certain-e-s. Cela déplace tout au plus l'activité. Mais la tranquillité de la bonne bourgeoisie n'a pas de prix et un règlement, ça ne mange pas de pain.
Photo Square de la rue François-Le-Fort