Love life, sexuellement explicite?
- Écrit par Nathalie Brochard
Alors que la campagne Love life lancée par l’Office Fédéral de la Santé Publique vient de mettre en ligne la version longue d’un spot sur la prévention contre les maladies sexuellement transmissibles jugé scandaleux par quelques pudibonds, le Réseau évangélique suisse prépare une contre-offensive en appelant ses adeptes à créer une campagne conforme à leur morale. Tempête dans un verre d’eau ou nouvel assaut extrémiste ?
Dans le clip de la campagne de l’OFSP, on voit des couples qui font ou vont faire l’amour, certes. Mais s’il est question de sexe (quoi de plus logique dans une campagne de prévention sur les MST), on n’en voit guère à l’écran. On recense tout au plus deux paires de seins visibles et une paire de fesses. De là à parler de pornographie, c’est assez osé, surtout si l’on se place dans le contexte des sociétés occidentales du XXIe siècle. La très sage RTS devrait, partant de ce principe, alors renoncer à toute diffusion de reportages animaliers aux heures de grande écoute et de fictions en prime time. Ne soyons pas naïfs, nos écrans sont depuis belle lurette le support de représentations anatomiques explicites. Et que les créatifs de l’agence à l’origine du clip aient appelé un(e) chat(te), un(e) chat(te) est plutôt pertinent : plus le message est direct, plus il aura de chance d’être compris.
Morale contre prévention
Ce qui semble gêner les religieux qui s’excitent contre ces images semble d’ordre moral. Leur campagne alternative propose des slogans du type «la meilleure des protections, c’est la fidélité» ou «le sexe sans regret se vit dans la fidélité» et des photos de couples mariés habillés. Pourtant, rien dans la campagne de l’OFSP n’indique que les gens qui font l’amour ne sont pas en couple ou sont infidèles. Le présupposé sexe = infidélité structure le discours des églises. Dans cette logique, la meilleure façon de lutter contre les MST serait dans la fidélité et l’abstinence mais pas dans la protection et la prévention. On a vu le résultat de la bonne parole catholique contre le préservatif et pour la chasteté : l’épidémie de sida n’a de loin pas été enrayée.
La morale c’est un peu leur cheval de bataille, aux religieux. Ce sont les mêmes qui avaient initié «l’avortement est une affaire privée». D’ailleurs, l’argument du privé est à nouveau invoqué dans ce contexte comme le rappelait sur la RTS, le secrétaire adjoint du Réseau évangélique suisse, Michael Mutzner pour qui «ces images rentrent dans l'intimité des couples. Elles mériteraient de figurer dans des lieux destinés aux adultes, et pas dans l'espace public». Or, les maladies sexuellement transmissibles sont des questions de santé publique. Et c’est bien la mission de l’OFSP d’informer les publics concernés (ados compris) et d’élaborer une politique de prévention claire et compréhensible.
La diversité des pratiques montrée dans le clip n’a pas dû être non plus du goût du Réseau. Deux hommes, deux femmes, un vieux + une vieille, quelle horreur ! Le BDSM y est même suggéré. Qu’on se rassure, l’image est subliminale : la tête de la femme cagoulée aurait aussi bien pu être celle d’un clown tout droit sorti de chez Knie. Mais ces pratiques existent et sont courantes, c’est la vie. Le clip aurait pu être beaucoup plus explicite en filmant de manière crue les scènes de sexe et en renonçant à l’esthétique David Hamilton. Au final, le choc n’est pas frontal. C’est juste institutionnel. Cohérent avec la mission de l’OFSP. Et le but est atteint puisque tout le monde en parle...
Affiche de la campagne de l'OFSP