BFEG/LGBT: pas de mandat officiel
- Écrit par Nathalie Brochard
Sylvie Durrer, directrice du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes (BFEG) répond aux questions de l'émiliE à propos de la lente progression de la Suisse en matière d'égalité et de l'absence de mandat officiel pour sortir son champ d'action des seules catégories homme/femme.
La Suisse présente les rapports 4 et 5 relatifs à l'application de la convention CEDEF. Où en est-on?
Au cours de l’été, un avant-projet a été soumis à une large consultation au plan fédéral et cantonal, à l’issue de laquelle le rapport définitif a pu être finalisé. Le Conseil fédéral adressera ce rapport au comité CEDEF d'ici à la fin de l'année. Ce rapport sera rendu alors public et toutes les organisations ou personnes intéressées pourront en prendre connaissance.
Quelles sont les étapes suivantes?
Le comité CEDEF procédera ensuite à son examen, en se basant aussi sur les prises de position des organisations non gouvernementales. Enfin, une audition aura lieu probablement en 2016, qui permettra au comité CEDEF d'avoir un échange direct avec des représentant-e-s du gouvernement et de demander des compléments d'information. A l'issue de cette audition, le comité fera état de son appréciation de la situation et livrera des recommandations sur les points à améliorer.
Inclure les hommes dans la marche vers l'égalité, est-ce toujours l'une de vos préoccupations?
L'égalité est un enjeu social, économique et politique, qui concerne les deux sexes. Il est nécessaire que les hommes s’investissent plus fortement mais aussi soient intégrés dans ce processus. Le BFEG non seulement demande la mixité mais s’engage sur cette voie, d’une part en soutenant financièrement des projets émanant d’organisations masculines, portant par exemple sur la promotion du temps partiel ou des professions de l’éducation auprès des hommes. Par ailleurs, le pourcentage des hommes dans l’équipe du BFEG s’élève dorénavant à 30% (en EPT).
Le dossier prioritaire du BFEG reste toutefois la lutte contre l’inégalité salariale, problème qui impacte directement massivement les femmes, mais qui n’est pas sans effet sur l’ensemble de la famille, le cas échéant.
Pourquoi les discours des bureaux de l'égalité s'en tiennent-ils aux deux catégories de sexe? Pourquoi les autres ne sont-ils pas inclus-e-s?
La mission de chaque bureau repose sur des bases légales déterminées par les autorités exécutives et législatives. Les bases légales sur lesquelles repose l’action du BFEG ne mentionne que ces deux catégories de sexe.
Concernant la lutte contre les discriminations vécues par les personnes LGBT, à ce jour, en Suisse, deux bureaux ont reçu une mission dans ce domaine, celui de la Ville de Genève et celui de la Ville de Zurich. Toutefois, au vu de l’absence d’un organe fédéral traitant de ces thématiques, il est fréquent que le BFEG reçoivent des demandes concernant ce sujet. Nos possibilités d’actions dans ce domaine sont limitées. Il faut cependant souligner que les discriminations subies par les personnes transgenres dans la vie professionnelles en raison de leur identité sexuelle sont interdites par l’article 3 LEg et que les personnes LGBT sont dans une certaine mesure protégées par la LEg dans le cadre professionnel. En outre, les aides financières allouées par le BFEG (art. 14 LEg) peuvent concerner des projets portant sur le monde du travail, déposés par des associations de défense des personnes LGBT (voir à ce sujet notre FAQ ). Le domaine Violence domestique du BFEG peut aussi traiter des violences liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle dans le cadre domestique.
Sur ce point, la Commission Européenne contre le Racisme et l'Intolérance (ECRI) critique nommément le bureau fédéral de l'égalité. Que répondez-vous?
Il ne s’agit pas d’une critique. L’ECRI constate que le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (article 16 LEg) n’a pas reçu le mandat officiel de s’engager en faveur des personnes LGBT. C’est pourquoi elle «recommande aux autorités d’adopter une législation complète pour lutter contre la discrimination pour les motifs de l’orientation sexuelle et de l’identité du genre et d’inclure ces motifs à l’article 261bis du Code pénal.» (http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/Country-by-country/Switzerland/CHE-CbC-V-2014-039-FRE.pdf, paras 77 et 78). Toutefois, jusqu’ici, le Conseil fédéral et le Parlement ne sont pas entrés en matière sur de telles recommandations, considérant que la Suisse dispose des instruments nécessaires. Une étude sur l’accès à la justice actuellement en cours doit permettre de vérifier ce point.
Le dernier rapport du Forum économique mondial (WEF) rétrograde la Suisse de deux places en matière d'égalité. Est-ce un échec pour vos services?
C’est une mise en garde pour la Suisse dans son ensemble. Ce ranking établi par une organisation non étatique confirme des observations que nous faisons au quotidien. L’évolution vers l’égalité n’est pas encore acquise et le mouvement n’est pas irréversible. De tels rankings doivent donc encourager les pouvoirs publics mais aussi la société civile à accroître leur engagement. Si les choses se sont améliorées, c’est parce que des gouvernements, des associations ou des entreprises ont œuvré activement à la concrétisation de l’égalité, qui demande une vigilance constante. Il en va de l’intérêt de toutes et tous. C’est une question de justice mais aussi de bon fonctionnement social et économique.
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