PMA pour toutes!
- Écrit par Nathalie Brochard
Alors qu’en France, SOS Homophobie s’apprête à lancer une action d’envergure pour rappeler au président Hollande ses engagements auprès des femmes qui veulent bénéficier de la procréation médicalement assistée (PMA), les lignes commencent à bouger en Suisse avec la perspective d’un changement dans le code civil qui ouvrirait le mariage à tous les couples permettant notamment le même accès à la procréation médicalement assistée, l’adoption conjointe ou la filiation automatique. Si aujourd’hui, la PMA reste toujours un parcours de combattantes, y a-t-il néanmoins des raisons d’espérer ?
Le 27 avril prochain, SOS Homophobie organise à Paris un «Jeu de Loi» grandeur nature «pour montrer qu'un parcours PMA à l’étranger est réellement un parcours de combattante-s avec toutes les difficultés existantes pour arriver à la fin» comme l’explique Victoria L. Petitjean, membre du groupe Relations Institutionnelles (GRI) et de la Commission Lesbophobie. En Europe, toutes les femmes ne sont pas égales en matière d’accès aux méthodes de PMA : réservée aux couples hétérosexuels en Suisse, en France, en Allemagne, en Italie, elle est autorisée aux couples de lesbiennes en Espagne, en Belgique, au Royaume-Uni, au Danemark ou encore aux Pays-Bas. En Suisse, l’article 28 de la LPART est très clair : les personnes liées par un partenariat enregistré ne sont pas autorisées à recourir à la procréation médicalement assistée sur sol suisse. Quant au don de sperme, il est réservé aux couples mariés et donc interdit aux concubin-e-s et aux personnes seules.
Ce qui signifie pour les femmes qui veulent avoir un enfant par PMA aller à l’étranger dans un pays qui l’autorise. Cela peut prendre des années avant de pouvoir fonder leur famille, avec d’importantes conséquences financières. Dans la plupart des cliniques belges par exemple, au terme de 6 IAD (Insémination Artificielle avec Don de sperme), les femmes passent à la FIV (Fécondation in vitro), beaucoup plus chère. Entre les frais annexes (trajets, logement, traitements, honoraires des médecins…) et les actes médicaux en eux-mêmes, il faut compter jusqu’à 40 000 euros. D’où le recours à l’insémination artisanale dans de nombreux cas avec les risques sanitaires que cela comporte, ce que dénonce Victoria L. Petitjean qui juge que «le Président et son gouvernement jouent avec la santé des femmes». Même son de cloche côté suisse. Chatty Ecoffey, co-présidente de l’association faîtière Familles arc-en-ciel, estime que «ces pratiques de contournement ne sont pas satisfaisantes et conduisent à des situations complexes et juridiquement incertaines. L’incertitude juridique perdure parfois des années durant sur l’identité des parents légaux». Ce qui est pourtant contraire aux garanties prévues par l’article 7 de la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant, en vertu de laquelle un enfant a le droit d’être enregistré dès sa naissance et a aussitôt droit à un nom, ainsi que le droit d’acquérir une nationalité.
Chatty Ecoffey se montre néanmoins confiante. Pour elle, «l’évolution de la perception des familles arc-en-ciel par l’opinion publique en Suisse est favorable», s’appuyant sur un sondage de 2010 qui «indique que 86,3 % des personnes interrogées estiment que les enfants qui vivent dans des familles ayant à leur tête des partenaires homosexuels devraient bénéficier des mêmes conditions juridiques que les enfants d'autres familles». Pour la Française Victoria L. Petitjean, «la loi sur le mariage pour tou-te-s a enfin reconnu une existence légale aux familles homoparentales. Elle est censée permettre, notamment, à la mère non-biologique d’adopter les enfants de sa conjointe. De protéger leurs enfants». Il s’agit maintenant d’aller au bout de la démarche comme l’a promis le candidat Hollande qui déclarait en 2012 : «Une femme doit pouvoir recourir à l’assistance médicale à la procréation, soit parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant, soit parce qu’elle ne souhaite pas avoir une relation avec un homme».
Que ce soit en France ou en Suisse, les associations mettent la pression sur les gouvernements et surtout mettent le législateur face à ses responsabilités : la PMA doit être ouverte à tous les couples de façon légale et égale. Chatty Ecoffey cite la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE-NEK) qui critiquait en février 2013 «l’exclusion des couples de même sexe de la PMA : il n’est pas «clair» pour elle pourquoi, «dans l’intérêt de l’enfant», seuls les couples hétérosexuels peuvent accéder aux méthodes de PMA. Elle y voit au contraire l’expression de préjugés qui ne reposent sur aucune évidence. Les couples de même sexe peuvent assumer ensemble la responsabilité parentale de l’enfant, alors même qu’ils ne peuvent pas l’engendrer «naturellement», c’est-à-dire sans l’intervention de tiers». Le combat continue.
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