Pré en bulle butte sur épicène
- Écrit par Nathalie Brochard
Plusieurs usagèr-e-s de l’association genevoise Préenbulle expriment leur agacement face au discours excluant et discriminant pratiqué par les responsables. Dernier dérapage en date, le flyer Fais ton film- Le quartier dont tu es le héros. Le langage épicène et l’égalité ne seraient-ils pas passés par Pré en bulle qui semble vivre … dans sa bulle ?
Cela les choque. Pour ces habitant-e-s des Grottes, c’était comme si les actvités proposées ne s’adressaient qu’aux garçons. « En famille, au boulot, en classe, entre potes, dans votre asso. Réalisez un film sur le thème : Le quartier dont tu es le héros ». Si ces usagèr-e-s saluent l’idée d’animation en soi, ils déplorent l’utilisation systématique du masculin universel dans la rédaction de ce flyer. Natacha Rault, mère d’un garçon et d’une fille estime que « le “héros” mentionné est une figure masculine socialement construite et imposée dans laquelle les personnes ayant d’autres identités de genre peuvent ne pas se retrouver ». Même son de cloche pour Marie* qui s’insurge contre « le caractère excluant de la communication de l’association ». Car ce flyer n’est que la pointe de l’iceberg.
En cause, c’est bien l’ensemble du site, la charte, la moindre annonce ou flyer qui pèchent par l’absence de référence au genre féminin. Et ces habitant-e-s contestataires signalent ces manquements depuis des années déjà comme en témoignent les différents courriers qu’ils/elles ont adressés aux responsables de Pré en bulle. Les réponses sont parfois aimables et positives. A d’autres, on envoie des liens vers Homme Libre (blog masculiniste de la Tribune, ndlr) et on assure que « malgré ces quelques faiblesses sémantiques dans notre charte, dans la pratique de pré en bulle et dans les faits, des efforts « notoires » sont faits sur le sujet de l’égalité HF ». Et ces usagèr-e-s qui revendiquent l’égalité sont vu-e-s comme agressifs/ives. De son côté, Pré en bulle est (auto)satisfait de ses pratiques. Du coup, rien ne change.
Pourtant, le principe d’égalité, inscrit dans la Constitution depuis le 14 juin 1981, est activement défendu par la Ville de Genève. Les campagnes de sensibilisation lancées depuis 2008 par Sandrine Salerno et coordonnées par le Service Agenda 21 ne peuvent avoir échappé aux responsables de Pré en bulle. Affichage, ateliers, d’importants moyens ont été mis à disposition du public pour se familiariser et maîtriser le langage épicène. Alors qu’en conclure ? Manque d’envie, mauvaise volonté, ignorance? Au final, inclure les filles ne serait pas si important ?
Concernant la communication spécifique du flyer, l’équipe de Pré en bulle reconnait que « la formulation n'est pas très heureuse et tâchera de trouver des mots plus incluants à l'avenir ». Les responsables se justifient en expliquant que « la phrase « dont vous êtes le héros » est une formule toute faite qui renvoie à des souvenirs de lecture dans notre enfance et les fameux « livres dont vous êtes le héros » ». Sur le reste de la communication, ils/elles essaient
« d'être le plus inclusifs possible ».
Comme le dit Natacha Rault « en tant que contribuable payant des impôts et à ce titre contribuant indirectement au financement de (vos) activités », les habitant-e-s du quartier sont en droit d’attendre un minimum de respect. Car question subvention, Pré en bulle est plutôt bien soutenu par la Ville. En 2014, l’association recevait 180 000 francs à titre de subvention ordinaire plus une rallonge de 26 000 francs. Concernant les subventions non monétaires, la Ville participait aux traitements à hauteur de 278 310 francs. Un minimum de cohérence voudrait que l’association applique les principes défendus par son pourvoyeur de fonds.
Les responsables de l’association affirment pour leur part que leur « mandat est d'œuvrer pour l'ensemble des habitant-e-s du quartier. Dans ce sens, nous portons une attention particulière à la place des femmes ». Et si le discours connaît quelques ratés, l’égalité se pratique au quotidien dixit les animateurs-trices : « le comité de l’association (majoritairement composé de femmes) est également très sensible à cette question et en a fait un objectif prioritaire. Il a aussi toujours essayé d'avoir des équipes d'encadrements mixtes et de mettre en avant les compétences des filles/femmes ». Le problème viendrait finalement d’un manque de formation selon leur diagnostic. Les responsables de l’association se déclarent donc « ouvert-e-s à toute forme de propositions et suggestions constructives dans le but d'être mieux formé-e-s sur la question ». Ce qui devrait enchanter les habitant-e-s du quartier.
* Prénom fictif
© Capture d'écran extraite de la vidéo promotionnelle de Pré en bulle