La retraite des femmes en danger
- Écrit par Nathalie Brochard
Alors que la réforme des retraites est sur le grill, les femmes peuvent déjà plus ou moins deviner à quelle sauce elles vont être mangées. Et tout va aller très vite. Ce n’est sans doute pas un hasard si la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil des Etats (CSSS-E ) a mis les bouchées doubles cet été pour proposer ce premier service avant les élections nationales d’octobre : les sénateurs viennent de tout avaler en votant sans piper la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans comme la baisse du taux de conversion du 2ème pilier.
Après les manifestations du printemps dernier contre le «paquet Berset», on aurait pu croire que la fronde allait enfler, or aucun débat n’a eu leu dans l’hémicycle pour défendre les droits des femmes mis à part un échange entre Anita Fetz (PS/BS) et Karin Keller-Sutter (PLR/SG) pour qui la hausse de l’âge de la retraite des femmes était un pas vers l’égalité avec les hommes. Personne ne s’est élevé contre un nouveau «vol des rentes» comme il y a cinq ans. Liliane Maury Pasquier, présidente de la CSSS-E a même estimé que le paquet était «équilibré» et a félicité ses collègues de droite comme de gauche d’avoir évité «la politique politicienne». Les bras vous en tombent ?
Ce n’est guère étonnant. Car concrètement ce report de l’âge de la retraite à 65 ans correspond à une augmentation brute du temps de travail. L’âge de la retraite des femmes serait augmenté en quatre paliers de trois mois, sans période transitoire, soit en janvier 2018 déjà. Ce qui signifie que les femmes qui ont aujourd’hui 61 ans seraient concernées. L’économie ainsi réalisée sur le dos des femmes se monterait à 1'333 millions de francs par année selon la Coordination Romande contre PV2020.
Et tant pis si l’inégalité salariale est la norme, tant pis si les femmes «sortent» du marché du travail à 62,6 ans, si elles ne sont que 57% à toucher une rente du 2e pilier et si cette rente est en moyenne de 45% inférieure à celle des hommes. Tant pis, parce que cette réalité n’est pas prête de changer. Après avoir trimé toute leur vie dans un monde fait d’injustices, beaucoup de femmes touchées par la réforme des retraites n’auront jamais connu l’égalité. Pour rappel, en 2013, les femmes de 15 à 64 ans effectuaient plus de 60 % du travail non rémunéré au sein de la famille, d’une valeur économique de plus de 180 milliards de francs, un point de détail…
Pour faire passer la pilule, la CSSS-E avait offert en échange, comble de générosité, d’augmenter l’AVS de 70 francs (226 francs pour les couples au maximum) par mois mais uniquement aux nouveaux rentièr-e-s. La mesure a été adoptée par 27 voix contre 17. Les élu-e-s de gauche tempèrent en affirmant que rien n’est joué et qu’en dernier ressort, c’est le peuple qui décide. Aux femmes de voir donc.