Transféminisme à l'uni
- Écrit par Nathalie Brochard
Le groupe Trans 360 et l’Institut des Etudes Genre à l’Université de Genève proposent lundi 9 novembre une conférence de Sophie Labelle, l’auteure de la BD Assignée garçon. Intitulée «Transféminisme, enjeux trans* et activisme à travers l’art», cette intervention est-elle un signal qui laisserait penser que le transféminisme pourrait devenir objet d’étude ?
Si la première trace écrite du mot transféministe date de 1997 et est attribuée à l’auteur trans* Patrick Califia, son usage et les pratiques qu’il recouvre sont plus anciennes. Diana Courvant et Emi Koyama, des activistes trans* à l’origine du site tranfeminism.org sillonaient les Etats-Unis en disséminant la (bonne) parole déjà au début des années 90. En 2003, Koyama rédige The transfeminist manifesto qui se veut «à l’origine un mouvement créé par et pour les femmes trans* qui croient que leur libération est intrinsèquement liée à la libération de toutes les femmes et au-delà». Depuis la publication du manifeste, Emi Koyama a précisé que le transféminisme incluait également les hommes trans* et les genderqueers. C’est en 2006 qu’est publié le premier livre consacré au sujet : Trans/Forming Feminisms: Transfeminist Voices Speak Out édité par Krista Scott-Dixon. Il faudra attendre le début des années 2010 pour que le manifeste de Koyama parvienne en Europe et soit adapté à la sauce locale à l’exemple du texte délivré par le Rete PutaLesboNeraTransFemminista (Réseau PuteGouineNoireTransFéministe, ndlr) dont Préciado était signataire.
Ainsi donc, entre trans et féminisme, il y aurait un rapprochement ou du moins un trait d’union ? En fait, c’est une question de point de vue : tout dépend de qui parle et d’où on se situe. Chez les Anglo-Saxon-ne-s, le terme recouvre une réalité bien précise : l’extension des théories féministes inclut explicitement les femmes trans*, leurs vécus, leurs réflexions et leurs enjeux. Et inversement, les femmes trans* adhèrent aux thématiques féministes dans une perspective d’émancipation. Le mouvement est inclusif, dans le sens où il est pour, par et avec toutes les femmes, l’objectif étant d’aboutir à un féminisme utile à toutes et pas seulement à une minorité hétérosexuelle, cissexuelle, blanche et bourgeoise.
Chez les Français-e-s, pourtant, il en va autrement. En effet, le transféminisme recouvre une définition plus diffuse : s’il s’inscrit dans la filiation directe du transféminisme anglo-saxon, il a également pour vocation d’intégrer de nouvelles personnes et de nouveaux enjeux au sein des mouvements féministes. Il s’agit ici d’ouvrir les féminismes à des personnes qui ne sont pas femmes/lesbiennes mais aussi aux hommes trans*, aux personnes transmasculines, aux transgenres, aux genderqueers, aux personnes trans* non-binaires notamment et d’élargir à leurs problématiques (par exemple autour du genre, à la bicatégorisation homme/femme, aux masculinités...). L’appropriation de concepts se fait parfois sans lien historique et hors contexte donnant lieu à des interprétations ou des relectures hasardeuses. La transposition brute ou la reproduction de théorie prémachée peuvent parfois rester sur l’estomac et sembler un peu lourde à digérer. D’autant que les traductions manquent cruellement. Et les travaux académiques et/ou militants encore plus.
On en revient donc au début de l’histoire où l’on se prenait à rêver d’un espoir fou de voir la Faculté se pencher avec un réél intérêt sur cet objet réél que sont les mouvements transféministes. En attendant, ruez-vous à la conférence de Sophie Labelle que l’émiliE avait interviewée avec bonheur à l’automne 2014.
Transféminisme, enjeux trans* et activisme à travers l’art, par Sophie Labelle
Lundi 9 novembre 2015 à 19h
Uni-mail, bd du pont-d’Arve 40, Salle R060, Genève
Retrouvez l'interview de Sophie Labelle réalisée par l'émiliE ici.